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À l’occasion de la quinzaine de visibilité intersexe, nous souhaitons dénoncer les difficultés encore trop nombreuses que rencontrent les athlètes intersexes dans le sport de haut niveau.

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Aujourd’hui, et depuis toujours, les catégories sportives sont quasiment toutes genrées, ne laissant la possibilité de s’intégrer qu’en homme ou en femme.

Avant même de discriminer les personnes transgenres ou les personnes ne se reconnaissant pas dans le spectre binaire du genre, ces règles discriminent en premier lieu les sportif·ve·s intersexes.

Point définition : Les personnes intersexes sont des personnes avec des caractéristiques sexuelles innées primaires et/ou secondaires considérées comme ne correspondant pas aux définitions sociales et médicales typiques du féminin et du masculin. Ceci peut avoir des conséquences sur leur taux d’hormones, et provoquer une hyperandrogénie (situation la plus souvent décriée en athlétisme), c’est-à-dire un taux de testostérone plus élevé que la moyenne des personnes assignées femmes à la naissance. Il est important de rappeler que ces variations ne sont absolument pas dangereuses pour la santé, les principaux risques encourus par les personnes intersexes sont la violence subie par le corps médical. On estime que les personnes intersexes représentent 1,7 % de la population, soit autant que les personnes rousses !

L’exemple de Caster Semenya qui lança le débat

Caster Semenya est une athlète sud-africaine spécialiste du 800 m.

Suite à sa victoire aux championnats du monde d’athlétisme en 2009, les autorités s’affolent de ses performances et décident de lui faire subir une batterie d’examens médicaux afin de déterminer son identité de genre ainsi que son sexe biologique. Cette dernière présente une hyperandrogénie mais est tout de même autorisée à concourir parmi les femmes. Après cet événement, les fédérations internationales d’athlétisme décident de légiférer sur le taux de testostérone autorisé pour une femme afin qu’elle puisse concourir dans cette catégorie.

Des seuils toujours plus stricts, visant invariablement les mêmes athlètes

Depuis 1930, les sportives souhaitant concourir dans les catégories sportives féminines sont soumises à des examens gynécologiques, chromosomiques à partir de 1968 et enfin hormonaux depuis 2009. En effet, au sein des fédérations sportives, c’est le seuil de concentration sanguine en testostérone qui détermine si une personne est un homme ou une femme. Ce taux a été initialement fixé à 10nmol/L en 2011, puis a été réduit à 5 nmol/L en 2018, pour enfin descendre à 2,5 nmol/L en 2023. Plus grave encore, ces analyses ne sont demandées qu’aux seules athlètes dites XY DSD, qui désigne les athlètes présentant une variation du développement sexuel liée à un caryotype XY, c’est-à-dire des personnes assignées femmes mais dotées de caractéristiques biologiques masculines (gonades, hormones ou gènes) typiques du sexe XY. (On le répète, moins de 2,5 nanomoles de testostérone par litre de sang uniquement pour les athlètes DSD).

Celles qui dépasseraient ce taux seraient contraintes de se soumettre à un traitement médical afin de faire baisser leur taux de testostérone. Ou pire, de subir une opération.

L’exemple d’Annet Negesa

Ce fut le cas d’Annet Negesa, athlète ougandaise, mutilée sans son consentement en 2012. En effet, cette athlète présentant une hyperandrogénie a été envoyée à Nice, sous la demande de World Athletics, afin de subir de nombreux examens médicaux qui la redirigent vers un médecin désigné à Kampala, capitale de l’Ouganda. C’est donc avec la complicité de médecins français qu’elle subira une ablation des gonades (testicules internes), à ses propres frais. Cette opération non voulue met fin à la carrière de l’athlète. En effet, sept ans après la chirurgie, elle raconte toujours subir des séquelles telles que des migraines et des douleurs articulaires, la non-prescription d’hormones de substitution par les médecins étant mise en cause.

D’autres exemples d’athlètes intersexes

D’autres athlètes intersexes ont également été soumis·e·s à des tests et se sont vu interdire de concourir dans la catégorie qu’iels souhaitaient. Nous pouvons notamment citer Zdeněk Koubek, athlète transgenre et intersexe tchèque, dont l’histoire est longtemps restée effacée et oubliée. Ainsi que Maria José Martínez-Patiño, Santhi Soundarajan, Christine Mboma, Foekje Dillema, Margaret Nyairera Wambui, Caster Semenya et Dutee Chand.

L’avis du Comité International Olympique

En 2021, le Comité international olympique publie une charte décourageant simplement les tests dits de “féminité” visant à doser le taux de testostérone. Pour autant, la charte n’interdit absolument pas aux fédérations de les pratiquer et décrète qu’elles sont libres de respecter cette recommandation ou non.

Les nombreux problèmes soulevés : intersexophobie, misogynie, racisme et transphobie

Intersexophobie et transphobie

Ces tests de “féminité” soulèvent de sérieux problèmes et engendrent de nombreuses discriminations à l’encontre des sportives intersexes.

Tout d’abord, seules les femmes sont soumises aux tests de féminité. Les personnes concourant dans les catégories masculines en sont exemptes. Ces examens montrent bien à quel point le système sportif est patriarcal, au même titre que la société toute entière. Une femme qui remporte une compétition, ça dérange. Un homme qui remporte une compétition, lui, est acclamé, médaillé, adulé. La femme qui remporte l’or a forcément un secret : elle se dope et est en réalité un homme déguisé. C’est bien ce que les fédérations sportives veulent nous faire croire. La performance d’Imane Khelif aux JO de Paris 2024 en est le parfait exemple. Cette boxeuse algérienne, femme cisgenre, fut la cible d’une foule de commentaires haineux remettant en question son identité de genre. “Trop musclée” selon les uns, “physique masculin” selon les autres. Cette dernière a été contrainte d’affirmer publiquement qu’elle “n’était pas transgenre”.

Des personnalités influentes de l’extrême droite comme Elon Musk ou J. K. Rowling (aka la reine des transphobes) ont contesté la présence de la boxeuse aux Jeux olympiques, comme toujours sans critiques réellement fondées.

Racisme et misogynie

Il est important de noter que les athlètes intersexes faisant la une des médias et l’obsession des fédérations sont en écrasante majorité des femmes Il est important de noter que les athlètes intersexes faisant la une des médias et l’obsession des fédérations sont en écrasante majorité des femmes racisées. En effet, les sportives qui subissent des tests de féminité et des contrôles de testostérone ne sont jamais blanches. Et, spoiler alert, ces tests ciblés sont souvent demandés par des compétitrices blanches craignant pour leur score. Les soupçons de virilité qui visent plus souvent les femmes racisées s’inscrivent dans une histoire raciste ancienne, où la féminité est construite comme un attribut réservé aux femmes blanches.

Quelles solutions ?

Les différentes solutions proposées par le CIA

Une solution, proposée par le Collectif Intersexe Activiste et notamment Sport Ireland, l’autorité publique irlandaise chargée du développement sportif, serait de développer les équipes mixtes, qui existent déjà dans plusieurs disciplines comme le roller derby ou l’ultimate, ce qui permettrait de réduire en partie les inégalités de genre qui persistent dans la pratique sportive.

Une autre solution serait de définir des catégories de poids, comme c’est déjà le cas dans de nombreux sports de combat. Plus caricatural, mais dans la continuité de l’obsession des taux hormonaux par les fédérations, les catégories pourraient s’articuler autour des taux de testostérone des athlètes. Il pourrait être envisageable de laisser les athlètes choisir leur catégorie de sexe, puis tous·tes seraient soumis·e·s à des bilans sanguins afin de laisser concourir entre elleux les personnes présentant des taux similaires, que ces personnes se définissent comme hommes ou femmes. Cependant, cette solution, difficilement applicable, risquerait de discriminer les athlètes transgenres non hormoné·e·s souhaitant concourir dans la catégorie correspondant à leur genre.

Émergent également des fausses bonnes idées : la FINA (Fédération internationale de natation) propose de créer une catégorie différenciée pour les personnes transgenres, non-binaires et intersexes, ce qui reviendrait à considérer ces minorités comme toujours plus hors de la norme. De plus, une instauration de ces catégories pose de nombreux problèmes logistiques : faudrait-il une catégorie mixte avec toutes les personnes trans, non-binaires et intersexes ? Une catégorie pour les hommes trans, une autre pour les femmes trans ? Une dernière pour les personnes intersexes ? Quid des personnes intersexes et transgenres ? Au lieu d’inclure, ce genre de séparation ne ferait que mettre encore plus à part les personnes concernées.

Pour conclure

Si nous devions retenir un point positif de cet article, nous pourrions nous réjouir que les polémiques autour de l’hyperandrogénie aient permis de visibiliser les enjeux intersexes de par le monde, et au-delà du sport. Cependant, cette visibilité tend à accroître l’intersexophobie dont sont victimes les athlètes qui osent contrevenir aux décisions des comités olympiques et des fédérations. On peut espérer que le Comité international olympique, ainsi que des organes puissants tels que la Cour européenne des droits de l’homme et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, renforcent leur influence et fassent pression sur les fédérations qui ne respectent pas les recommandations mondiales en matière de lutte contre toutes les discriminations.

Cependant, ces organes ayant peu de pouvoir contraignant, il revient donc aux États et aux instances législatives internationales de faire appliquer ces recommandations et de les inscrire dans leurs propres cadres juridiques. C’est notamment pour pallier cette rigidité des mentalités et ce conservatisme des institutions sportives que des associations se créent et se battent pour une meilleure inclusion des personnes transgenres, non-binaires et intersexes au sein du milieu sportif.

Nous le répétons : chaque individu·e devrait être autorisé à concourir dans la catégorie qu’iel souhaite.

Définitions

Consultez également notre lexique.

World Athletics: World Athletics (anciennement, en anglais : International Association of Athletics Federations, IAAF) est la fédération sportive internationale chargée de régir les fédérations nationales d’athlétisme et d’organiser les compétitions internationales mondiales. (Wikipédia)

FINA ou World Aquatics : Fédération Internationale de Natation, est la fédération sportive internationale chargée de régir les fédérations nationales de natation et d’organiser les compétitions internationales mondiales. (Wikipédia)

Sources

  1. L’Équipe. 25 athlètes français·e·s se mobilisent après les témoignages de mutilations forcées sur des athlètes hyperandrogènes [Internet]. 2019 oct 3 [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/25-athletes-francais-se-mobilisent-apres-les-temoignages-de-mutilations-forcees-sur-des-athletes-hyperandrogenes/1068567

  2. L’Équipe. Une enquête va être ouverte pour les mutilations des athlètes hyperandrogènes [Internet]. 2019 oct 7 [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://www.lequipe.fr/Athletisme/Actualites/Une-enquete-va-etre-ouverte-pour-les-mutilations-des-athletes-hyperandrogenes/1068913

  3. Wikipédia. Annet Negesa [Internet]. [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Annet_Negesa

  4. Collectif Intersexe Activiste – OII France. Marches des fiertés et Jeux olympiques : le Collectif intersexe activiste lance une campagne pour les droits des sportives intersexes [Internet]. 2024 [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://cia-oiifrance.org/marches-des-fiertes-et-jeux-olympiques-le-collectif-intersexe-activiste-lance-une-campagne-pour-les-droits-des-sportives-intersexes/

  5. Revue des droits et libertés fondamentaux. La nouvelle réglementation de la FINA sur l’éligibilité des athlètes intersexes et transgenres, ou le danger de l’exclusion [Internet]. 2022 [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://www.revuedlf.com/droit-international/la-nouvelle-reglementation-de-la-fina-sur-leligibilite-des-athletes-intersexes-et-transgenres-ou-le-danger-de-lexclusion/

  6. Collectif Intersexe Activiste – OII France. Sport et intersexuation : dossier de presse [Internet]. 2024 juin [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://cia-oiifrance.org/wp-content/uploads/2024/06/Sport-et-Intersexuation-Dossier-de-presse.pdf

  7. Wikipédia. Test de féminité [Internet]. [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_f%C3%A9minit%C3%A9

  8. Éditions Législatives. La CEDH face à la question des tests pour mesurer le taux de testostérone des sportives [Internet]. 2022 [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://www.editions-legislatives.fr/actualite/la-cedh-face-a-la-question-des-tests-pour-mesurer-le-taux-de-testosterone-des%C2%A0sportives/

  9. World Athletics. Questions & Answers on the IAAF Female Eligibility Regulations for Athletes with Differences of Sex Development [Internet]. 2019 [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://worldathletics.org/news/press-release/questions-answers-iaaf-female-eligibility-reg

  10. Healy ML, Gibney J, et al. Endocrine profiles in 693 elite athletes in the postcompetition setting. Clin Endocrinol (Oxf) [Internet]. 2017;86(2):1-10 [cité le 3 nov 2025]. Disponible sur : https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC5570685/

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